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Le syndrome du 3e mandat ! (Par Moustapha Diop)

Le syndrome du 3e mandat ! (Par Moustapha Diop)


Le syndrome du 3e mandat ! (Par Moustapha Diop)

La course à un 3e mandat est ouverte. Après AlphaADO vient de se faire signaler. Mais le président Musseveni parait avoir plus de ressources que tous les autres !

Beaucoup pensent que le Sénégal serait épargné du syndrome guinéen ou ivoirien ! Ce sont des gens de bonne foi, ils vous donnent une panoplie d’arguments solides : la constitution, la sacralité de la parole donnée, une éventuelle pression intérieure comme extérieure… Il m’est d’avis qu’il en faudrait beaucoup plus pour empêcher au président de rempiler encore aux prochaines élections et, de les gagner haut la main ! 2012 est si loin. Entre temps, il y a eu tant de pluie. Il ne faut donc pas en faire un repère.

Pourquoi ne se présenterait-il pas ? En amont, il eut fallu qu’il trouvât une personne qui aurait réuni deux qualités essentielles à ses yeux : une confiance absolue du chef qui serait sûr de pouvoir s’en aller allègrement sans tourments et, l’étoffe d’un leader qui aurait une envergure nationale. Apparemment ceux qui en ont n’ont pas l’onction du maître et, ceux qui peuplent les rêves du chef n’ont pas la carrure nécessaire. Le président n’a pas trouvé son Dmitri Medvedev (1), Senghor a eu plus de chance ! Et cela est un problème majeur.

A-t-on l’idée de lui demander de faire une passation de service avec Khalifa SallBarthélémy Diaz assis à côté ? Avec Karim Wade, ou Ousmane Sonko ? Apparemment non. Ce serait au-dessus de ses capacités !

A défaut de trouver une personne à qui donner le pouvoir, il est condamné à le garder, seule couverture anti-retour de flamme pour se préserver de la géhenne d’un probable vindicatif avec qui il aurait eu maille à partir. 

Quatre choses peuvent l’en empêcher, et au final aucune d’elles ne tiendrait réellement devant le rouleau compresseur de sa volonté de briguer un troisième mandat dont le moteur carbure avec la psychose d’un règlement de compte à l’horizon. Dans l’ordre, il y a, le conseil constitutionnel, la position de la France, la force de l’opposition et de la société civile et, la réaction du peuple :

  • Le conseil constitutionnel dont les juges incarneraient, pour une fois, la posture de « juges rebelles », et non celle plus courante de « magistrats aux ordres » ? Je n’y crois pas, comme beaucoup de citoyens, je crains fort qu’ils soient des Paul Yao Ndré (2)  et non des Epiphane Zoro Bi-Balo ! (3)
  • Quant à la France, pourquoi participerait-elle à la mort d’une poule qui donne des œufs d’or aux entreprises françaises ? En sachant qu’une nouvelle génération, qui a donné à son organisation le nom oh combien évocateur de FRAPP/France-dégage, occupe l’espace médiatique et fait des émules surtout chez les jeunes ! Boubacar Boris Diop ne s’y est pas trompé en affirmant avec l’engagement qu’on lui connait : « Les intérêts de la France n’ont jamais été mieux servis qu’avec Macky Sall.» ! Le brillant écrivain dit tout haut ce que d’aucuns pensent tout bas.
  • Pour ce qui est de la pression interne, à l’état actuel, l’opposition n’a pas été encore capable d’imposer un rapport de force au président. Les prémices d’une telle situation ne sont pas encore visibles. La société civile ou ce qu’il en reste se bat comme elle peut. Mais l’une comme l’autre ont plus subi, à leur corps défendant c’est vrai, la volonté du chef depuis son arrivée au pouvoir. Et c’est si peu.
  • Il ne reste que le peuple, qui dans toute démocratie sérieuse est l’arbitre suprême pour décider de qui va gérer ses affaires pendant une période bien déterminée. Mais ce peuple est dans une situation assez complexe, que beaucoup ont du mal à comprendre. D’abord on lui a subtilement ôté la capacité de changer les choses en votant : désormais, il sait qu’avec les élections telles que organisées depuis quelques temps, celui qui est aux affaires, gagne, gagne et gagne ! Quand on peut éliminer les adversaires de taille, choisir qui doit voter et ou doit-on voter plus ou moins dans la carte électorale, on peut proclamer les résultats bien avant leur proclamation avec une exactitude qui frise l’insolence ! Mais si ce peuple n’est pas d’accord il devrait alors réagir, répondre aux appels à manifester de l’opposition et de la société civile ? A mon sens, il s’est senti grugé et trahi. En 2012, il avait manifesté, souffert, respiré les gaz lacrymogènes, pour beaucoup mieux qu’un président qui change simplement de nom et de visage ! A quoi bon suivre des personnes capables d’aller se mettre derrière les hommes dont ils dénonçaient les pratiques et, les laisser faire pire que ce qu’on reprochait aux autres ?

Cette frénésie à un 3e mandat ne montre qu’une chose : l’échec d’un leader à former la relève ! Si des septuagénaires se bousculent au portillon pour un 3e mandat ou s’éternisent au pouvoir dans des pays où la population est si jeune, cela pose un véritable problème. 

Une seule chose pourrait l’empêcher de se présenter aux prochaines élections et de passer : une pression interne si forte, à l’image de ce qui se passe au Mali, que ses amis de l’extérieur l’obligeraient à lâcher prise. Comme ce fut le cas avec Blaise Compaoré ! Mais cela est une autre paire de manches.

Moustapha Diop

  1. Dmitri Medvedev : Homme politique russe sur qui Vladimir Poutine va s’appuyer pour « garder » le pouvoir.
  2. Paul Yao Ndré : Ancien patron du conseil constitutionnel ivoirien qui invalida les résultats de certaines régions du nord pour proclamer la victoire de Laurent Gbagbo.
  3. Epiphane Zoro Bi-Balo : Le juge ivorien Epiphane Zoro Bi Balo qui a signé le certificat de nationalité d’Alassane Ouattara, chef de file l’opposotion accusé d’être Burkinabé, malgré la pression du ministère de la Justice 
Mercredi 12 Août 2020
La Rédaction / Samboudiang Sakho