Menu

Vacciner contre le Covid-19, un défi matériel et logistique inédit

Vacciner contre le Covid-19, un défi matériel et logistique inédit


Alors que le comité consultatif de l'Agence américaine des médicaments recommande à la FDA d'autoriser le vaccin de Pfizer-BioNTech, l’Agence européenne du médicament tient elle une conférence en ligne ce vendredi. Elle doit se prononcer sur le vaccin du duo américano-allemand d'ici le 29 décembre et sur celui de Moderna au plus tard le 12 janvier. Les entreprises entrant dans les chaînes d'approvisionnement du vaccin et les professionnels de la logistique se préparent déjà avec parfois plusieurs inconnues dans l’équation.
 

La Fédération internationale de l'industrie pharmaceutique a évalué à 12 à 15 milliards le nombre de doses qui seront potentiellement produites. Cela suppose globalement une double injection par personne. Cela suppose aussi que tout le monde accepte et puisse se faire vacciner.

Quoiqu’il en soit, tout ce volume de vaccins implique la mobilisation de nombreux acteurs au-delà des laboratoires. Il faut, par exemple, pouvoir les conditionner. C’est en partie le travail de l’entreprise allemande SchottElle produit des flacons dans un verre particulier, le verre borosilicate. « Ce verre est adapté aux produits pharmaceutiques », expliqueJean-Yves Grandemange, responsable des ventes des emballages pharmaceutiques pour l'Europe, le Moyen-Orient et l'Afrique. « C'est un verre qui est neutre dans son interaction avec le médicament. Il n'y a pas d'échange chimique ou physique donc cela préserve le médicament dans son développement initial. » Autre avantage à ses yeux, « on est capable de faire des verres avec des dimensions très bien contrôlées, ce qui permet d'avoir ensuite de hautes cadences de production pour remplir les flacons ». Et puis surtout, ce verre borosilicate « peut supporter des températures très hautes et très basses »Une qualité indispensable pour la conservation de certains vaccins.

Demande importante dès le mois de mars

Schott revendique environ 30% du marché mondial. Le nom des clients est secret mais l'entreprise en fournit en Russie, en Chine et bientôt ses flacons devraient circuler pour « les nouveaux marchés de vaccinations », comprendre en Europe et aux États-Unis.

Secrète également, la capacité de production. Une chose est sûre, Schott s'est préparé tôt à l'augmenter car « depuis le mois de mars [2020], la demande est très importante ».

 

Pour faire face,« lorsque l’on travaillait avec deux équipes cinq jours sur sept, on est passé à trois équipes sept jours sur sept. On a accéléré tous les programmes de productivité sur les machines pour avoir plus de flacons par machine. Et l'on a investi plus rapidement dans des capacités supplémentaires »,raconte Jean-Yves Grandemange. Un plan d'investissement d'un milliard d'euros jusqu'en 2025 avait déjà été mis sur pied en 2019. L'épidémie de Covid-19a conduit Schott à dépenser la moitié de l'enveloppe d'ici à fin 2021. Les premières machines commandées sont en train d'être installées en Hongrie, par exemple. Par ailleurs, Schott a demandé aux industries pharmaceutiques quelles productions pouvaient être retardées en fonction des stocks existants. La fabrication de certains articles pour la médecine animale ou les cosmétiques a aussi été reportée pour se concentrer sur les vaccins contre le Covid-19.

Jean-Yves Grandemange espère ainsi fournir assez de flacons pour 2 milliards de doses en 2021, ce qui ne veut pas dire 2 milliards de flacons puisqu'ils seront multidoses.

Alors, y aura-t-il suffisamment de flacons ? Thomas Cueni, le directeur de la Fédération internationale des produits pharmaceutiques, s'inquiétait mi-novembre auprès de l'AFP d'un risque de pénurie. Même crainte du côté de la Coalition pour les innovations en matière de préparation aux épidémies (CEPI).

Jean-Yves Grandemange relativise ce risque : « On estime qu'on aura un nombre de flacons suffisant pour 2021. On livre à la demande car il y a plusieurs acteurs » dans le processus. Il faut prendre en compte aussi les capacités de « fabrication du vaccin lui-même, des lignes de remplissage ». Et d'ajouter, « la demande maximum c'est 15 milliards de doses » mais « c'est théorique ».

Cela dit, les regards se tournent aussi vers d'autres matériaux. La CEPI vient de lancer un appel à intérêt pour le développement d'un sac pouvant contenir 200 doses. 

Congélateurs, caissons isothermes, chambres froides…

En attendant, ces flacons, il faut ensuite les transporter et les stocker dans des conditions parfois très spécifiques, à environ -70°C degrés pour certains vaccins. Une course au froid s'est donc engagée. Le géant américain de la logistique UPS a, par exemple, augmenté ses capacités de production de glace sèche et a développé des congélateurs portables capables de conserver le vaccin entre -20 et -80°C. Un autre groupe américain spécialisé, lui, dans la viande, s'est dit prêt de son côté à mettre à disposition les chambres froides de ses abattoirs en cas de besoin.
RFI

Vendredi 11 Décembre 2020
La Rédaction / Samboudiang Sakho